Fumeurs en péril ou Le retour du papier d'arménie
... Âmes de fumeurs sensibles, s'abstenir ...
Qui dit retour, dit première arrivée, un beau jour ...
Il n'est pas nécessaire de remonter si loin en arrière. C'était à l'époque de ma première année de supérieur, il y a 4 ans (ah si, quand même !).
Comme si disposer de locaux d'allure "pré-fabriqué" en nous reléguant au fin fond de la campagne (bon d'accord, c'était à 1mn30 du RER ... mais tout de même ... en zone 3 !) ne suffisait pas - on avait d'ailleurs eu droit à un article dans Le Parisien pour dénoncer nos conditions de travail dans l'amphi principal : moufles en hiver à cause des fenêtres cassées et du chauffage défaillant, eh oui, c'était presque la Russie !) ...
Je disais donc (avant d'être interrompue par moi-même, comme aurait dit Desproges - mais non je ne justifie pas ma digression en digressant à nouveau !) ... comme si ces conditions déplorables ne suffisaient pas, il avait en plus fallu qu'on écope de fumeurs irrespectueux !
Oh je ne dis pas que les non-fumeurs étaient mieux. Mais en fait si : eux, au moins, ne fumaient pas. Sur ce point, ils étaient imbattables mes amis les non-fumeurs. Comme certains sont les amis des bêtes (pas moi, je préfère les idiots), je suis l'amie des non-fumeurs. Dans l'esprit, évidemment. Après faut voir, en grattant la nicotine on trouve quelques perles, de même qu'en grattant les poumons sains on trouve des scarabés !
Mais donc (à nouveau) ! Le vrai problème des fumeurs n'était pas tant le fait qu'ils fumaient, mais l'endroit où ils fumaient. Je devrais plutôt dire les endroits, et même les lieux, c'est plus mélodieux. Figurez-vous qu'on en trouvait jusque dans les couloirs de la fac, oui Mesdames, oui Mesdemoiselles, oui Messieurs (et oui Mesdamoiseaux, pour quelqu'un qui se serait reconnu si toutefois il avait eu connaissance de l'existence de ce blog - mais passons, et ne digressons plus).
Certains, donc et redonc, fumaient jusque dans les couloirs. Je préciserai même : devant les salles de TD ! Et scoop des scoops : les chargés de TD n'étaient pas en reste, les profs non plus d'ailleurs ! À l'époque, j'étais encore moins résignée que maintenant (le grand âge, que voulez-vous ... déjà 22 ans !), et je trouvais honteux que des représentants de l'Autorité, du Savoir, se permettent de braver les règles les plus élémentaires. Je n'hésitais donc pas, régulièrement, à lancer quelque réflexion acide sur "ces fumeurs odieux" chaque fois qu'un représentant de cette étrange mais pas toujours antipathique espèce passait nonchalamment, clope à la main, sous mon nez ! Mais rien n'y faisait.
Alors je suis passée à l'action ! Rien de tel ! Et c'est là qu'intervient le papier d'arménie ! Ce cher papier, que je détestais à l'époque où mon père en faisait brûler dans les toilettes ... est devenu mon meilleur ami ! Dans mon cerveau diabolique s'est monté un plan machiavélique.
Achats du papier adéquat et du briquet indispensable ... Et me voilà revenue à la fac ! Mon attitude était simple et redoutable à la fois : dès que je sentais l'odeur de tabac me chatouiller désagréablement les narines, des connexions synaptiques s'établissaient immédiatement dans mon cerveau, et tel le chien de Pavlov qui illustra merveilleusement le phénomène stimulus-réponse en son temps, ma main droite attrapait la petite poche de mon sac à dos où je rangeais précieusement mes feuilles de papier et mon briquet. Quelques secondes plus tard, mes doigts pliaient (en accordéon) une bandelette de papier ... qui s'embrasait lentement (mais sûrement !) l'instant d'après ...
Selon les circonstances, mon état d'esprit plutôt calme ou agacé, je restais calmement sur place en laissant le papier se consumer, ou me livrais à une danse façon orientale avec le papier enflammé pour accompagner mes mouvements de bras et de mains ondulant ... Un spectacle étonnant, à coup sûr ! J'ai d'ailleurs le net souvenir de ma chargée de TD de droit civil, qui s'était étonnée à voix haute de l'odeur étrange qui se répandait soudainement dans l'atmosphère : "mais, mais ... on dirait de l'encens !". Et m'apercevant en train de livrer la danse sus-citée, elle hocha la tête, un peu gênée, lorsque je lui déclarai avec un large sourire "non, c'est du papier d'arménie pour contrer la fumée des fumeurs !"
J'ai poursuivi cette habitude en 1ère année de psychologie. Puis je me suis calmée. Cela me revenait trop cher en papier d'arménie ;-) Je suis tout de même restée dans les mémoires de certains (certains, c'est déjà pas mal) pour mes numéros plutôt loufoques, assez à mon image de l'époque.
Et à ceux qui me reprochaient de diffuser un parfum peu agréable, je rétorquais que, moi aussi, je fumais ! J'étais fumée du cerveau, et il fallait peut-être y voir un lien avec mon tabagisme passif ... Ayant constaté que les fumeurs récalcitrants étaient nombreux dans mes alentours, j'ai pris une décision de la plus haute importance : Papier d'arménie, me re-voici !