La fidélité dans ma vie
Vous allez peut-être vous demander ce que je vous ponds-là. La fidélité ? Mais oui, bien sûr !
La genèse de cet article est compliquée. À multiples tiroirs, dirais-je. Ce qui rend le tout bien compliqué. Pour la première raison que je suis bourrée. Non enfin, entendons-nous, j'ai bu 50cl de cidre, mais je suis un peu spéciale en matière d'alcool : plusieurs flûtes de Champagne et je suis comme sobre, 40cl de bière ou deux bolées de cidre (qui ne font pas forcément 40cl) et je suis vacillante, guillerette, logorrhéique pire qu'en vrai.
Mais je m'égare. Enfin non, je voulais prôner ma fidélité ! Au cidre pourquoi pas, d'ailleurs ! Cela vient en queue de peloton, mais cela vaut aussi pour lui, ce polisson ! L'association cidre et fidélité peut sembler absurde, mais ce n'est pas (seulement) l'ivresse qui me vaut cette remarque, c'est aussi la pub pour le Pastis Duval dont on nous rebat les oreilles à la radio (surtout cet été, maintenant j'entends moins - mais je ne suis pas sourde - et surtout j'écoute moins la radio depuis quelques semaines ! Evidemment, c'est biaisé ...).
Avec la femme qui demande à son mari ce qu'est la fidélité pour lui (ou un truc du genre), et ce sagouin qui lui répond de façon alambiquée que la vraie fidélité, c'est avec son pastis Duval, qu'il n'a jamais envie d'aller voir ailleurs. Pathétique (mais la femme se venge bien en jouant les sarcastiques - dans une autre pub - ce qui rend la série tout juste distrayante).
Non, je n'ai jamais goûté de Pastis Duval, et ceci n'est pas une pub déguisée, malgré les apparences. Ce serait mieux comme preuve : la preuve en mots qu'être bourrée au cidre, c'est pas la joie ! (bof, je vais me coucher dans 30mn, j'aurai la nuit pour battre ma coulpe en rêve repentissant).
Mais quelle est donc cette fidélité dont je voulais (vraiment) vous parler ? (On y vient ... péniblement, mais on y vient). La plus banale, la plus "nouvelle mode" aussi : la fidélité dans le couple ! Tiens donc !
C'est en lisant le dossier sur "La vraie vie amoureuse des écrivains" dans le LIRE de ce mois-ci, que j'ai bondi ... pour la deuxième fois.
Tant que je lisais des récits de vies sexuelles débridées, tout allait bien (normal quoi). Mais je suis arrivée à la double page consacrée à l'interview d'un certain Aldo Naouri. Psychanalyste qui semble avoir le vent en poupe. En effet, j'ai déjà aperçu son nom dans le ELLE de la semaine passée. Et c'est d'ailleurs à cette occasion que j'avais bondi une première fois. Non, ce monsieur n'est pas un trampoline. Mais ce sont les questions des journalistes qui me laissent songeuse ...
Dans le fameux ELLE sus-cité, on ose même le titre immense en couverture "La fidélité, nouvelle aventure du couple ?". Et l'interview m'a plutôt estomaquée. Tout commence par "Aldo Naouri est-il réac ?" ... Voici qui donne le ton ! Et puis hop, la journaliste s'empresse de poser the question : "N'est-ce pas une notion complètement dépassée ?" (la fidélité). À lire ça, je me suis dit que nous ne vivions pas sur la même planète.
D'accord, on entend plein d'histoires de tromperies en tous genres (parait qu'il faut pas dire adultère, car c'est hautement moralisateur et religieux comme terme, excusez du peu !). Mais de là à présenter la fidélité comme une énormité ... Je vous jure, on aurait crû que le psychanalyste lançait l'affront du siècle : comment ça, y'aurait encore des gens fidèles qui le choisissent ? Qui ne soient pas forcément guidés par la religion, ou endoctrinés dans une secte suspecte prônant la fidélité (c'est pas plutôt le contraire, d'habitude ?) ... ? Pas-po-ssible !
Et après nous avoir fait croire que la fidélité était un truc désuet, le tour de magie veut qu'on nous suggère une fidélité new look, façon top mode ! En somme, la vraie fashion sera fidèle ... jusqu'à la semaine prochaine, en tout cas (où l'on nous vantera peut-être les vertus du mariage libre ou du fast sex - ah quoique ... j'ai entendu parler d'un mouvement défendant le slow sex, récemment ... Dans ELLE, peut-être ? ;-p)
Bon, je me suis dit que c'était du ELLE, et qu'il fallait pas vraiment chercher plus loin ...
Mais là, pouf, je lis l'interview dans LIRE, et je trouve des questions du même type (toutefois plus orientées littérature, et moins fashion, ligne éditoriale oblige !). Enfin, c'est amené plus subtilement. Il est d'ailleurs plutôt question d'adultère, mais il faut bien qu'une idée de fidélité soit passée par là au préalable ... Oui, ou non ? LIRE propose des hypothèses intéressantes : "Le pacte Sartre-Beauvoir n'a-t-il pas rendu caduque la notion d'adultère ?".
Passionnant ! Je vous avoue que ce dossier est un vrai régal, surtout quand il s'agit de découvrir toute la poésie d'un Voltaire écrivant à sa nièce : "Je bande en vous écrivant, et je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses". Dans le RER ce matin, rien de tel pour me réveiller et susciter la curiosité de mon voisin : eh non, les magazines littéraires n'échappent pas à la déferlante du sexe omniprésent ! Sauf que là, c'est plus classe à lire dans les transports en commun ! Le contraste entre l'idée encore poussiéreuse que se font certaines des bouquins, et les phrases choc qu'on peut trouver dedans ... J'adore, j'adore, j'adore !
Tout ça pour ne pas dire grand chose (car il est tard, et que manifestement, le cidre ne clarifie pas ma pensée). Mais peut-être l'aurez-vous deviné : la fidélité, j'y tiens. Et ça me fait bien rire qu'on essaie de nous présenter la fidélité comme un vieux concept, et la liberté de coucher avec n'importe qui n'importe quand comme évidente et habituelle ... Tu parles ! Quand je vois tous ces jaloux (suffit de regarder autour de soi, et parfois juste dans la glace). Quand on voit le décalage entre des discours très "libérés", et toutes les craintes, les disputes et la souffrance que cela génère par ailleurs ...
D'ailleurs Mister Naouri nous le dit : "On se réclame de nos jours d'une totale indépendance les uns face aux autres. En biologiste béotien, je rapporte que j'ai vu des couples dans toutes les configurations. Quelle que soit la configuration, j'ai toujours perçu un pacte implicite de fidélité dont la rupture était à chaque fois extrêmement mal vécue. Ma seconde réflexion pointe ce paradoxe : alors que nous pourrions changer de partenaire sexuel tous les jours, nous ne nous lassons pas de chercher celui avec lequel s'établir, cet autre idéalisé qui ne pourra jamais occuper la place fantôme que chacun traîne avec soi."